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E.KRANTZ. |
Les mots allemands et français que l'on retrouve tout le long du XIX siècle en Russie , viennent de l'influence qu’eurent ces deux nations sur l'armée, la cour et l’administration du pays et surtout la cuisine, tous les menus étaient en français, la cour parlait uniquement français ou allemand.
En début de l'année 1888 , le Tsar décida de profiter des manœuvres dans des régions récemment conquises par l'empire, notamment le Caucase, pour transformer ces jeux guerriers en tournée de propagande et pourquoi pas en profiter aussi pour faire du tourisme , ces manœuvres s’étalèrent du 24 Août au 18 Octobre 1888. La totalité de l’itinéraire se fît sur plus de 16.000 kilomètres, à cheval, en voitures hippomobiles , en bateau, mais surtout en trains .
Le nombre de trains destinés au Tsar et à sa suite , plus bien-sur le personnel nécessaire à ceux-ci ,était de quatre . Le premier, celui du tsar ,était composé de wagons comportant tout le nécessaire pour recréer le confort du palais impérial et les wagons destinés uniquement au Tsar étaient construits presque entièrement en acier et non pas en bois, ce qui devait sauver la vie aux souverains leurs suites , comme on le verra plus tard.
SOLIANKA ( soupe russe ).
Pour deux services ou vingt personnes . Employer 100 goujons, 20 perches, 3 lavarets, 3 sandres , 2 sterlets.
Concombres salés 15 , oignons moyen 15, cèpes marinés1petit bocal, cornichons confits 1 bocal, purée de tomates 1/2 boite , sauce anglaise 1 flacon worcesthire, sauce anglaise ( caboul plus pimenté 1 flacon ), crème aigre 1litre et 1/2 , jus de concombres salés 1/2 litre , fenouil 125 grammes , sel 80 grammes.
habiller et lever les filets à touts ces poissons; à l'exception des goujons qui restent entiers;les taillader de deux à trois centimètres de long; les saler, les poivrer et les réserver. Avec les débris des poissons faire un bouillon selon les règles .
Émincer les oignons et les passer au beurre dans une casserole; ajouter la purée de tomates, les gribouis(poissons), les cornichons émincés, les concombres pelés, vider et tailler en losanges; ajouter aussi un peu de bouillon de poissons, poivre et sel et muscade et faire mijoter pendant dix minutes; mettre ensuite le bouillon de poissons, qui doit être exquis , et laisser cuire pendant une demi-heure.
Lorsque toutes les garnitures sont cuites, ajouter les jus de concombres salés, la crème aigre et plonger d'abord dans le liquide les tranches de sterlets, ensuite tout les filets, et les goujons , en leur donnant un tour d’ébullition. Servir dès que le poisson est cuit, en servant en même temps un bol de crème aigre.
E. Krantz
Les trois autres transportaient le personnel pléthorique et le matériel destiné à recréer les fastes de la cuisine de Saint Peterbourg
Le prince Obolensky commençât dès le mois de Mars à reconnaitre sur place le tracé , il y fit construire à intervalles régulières des cuisines et leurs fourneaux , là ou il ferait défaut, et des tentes et des baraquements pour le personnel destinés à servir durant cette épopée militaire.
Le Tsar était accompagné de toute sa famille et de trente plus proches membres de celle-ci, de plus 600 membres de la noblesse et de l'armée de haut rang suivaient aussi le mouvement.
C'est ainsi que trois mois avant le départ .Que commence les tribulations de Krantz,pour commencer il devait détacher à divers endroits du parcourt le personnel en supplément, le matériel nécessaire( argenterie, batterie de cuisine, réserve de nourriture sèche, boissons etc....) et nommer les chefs des cuisines responsables de ces postes.
Mais aussi organiser les dépôts de nourriture tout le long du trajet et prévoir des approvisionnement des produits frais et de luxe , comme des huitres et homards en provenance d'Ostende qui devaient être livrés en direct par trains spéciaux , et aussi du foie gras français , des truffes et autres délicatesses gourmandes. De plus les régions traversées étant très pauvres il fut décidé de fournir des provisions à partir de deux dépôts frigorifiques, l'un à Moscou et l'autre à Odessa . Un mois à l'avance Krantz , y envoya son meilleur chef, Paul Gregorieff, qui fut chargé d'engager du personnel pour mettre en place l'achat et la noria de nourriture, des boissons et de glace nécessaire à la conservation des aliments( à l'époque la fabrication de glace artificielle était balbutiante et l'on avait conservé l'usage des blocs de glace arrachés en hivers à la montagne ou au cours d'eau et conservés dans des linges et du salpêtre.
OUKA (soupe de poissons russe) .
Préparer un fort bouillon de poissons, en y ajoutant des légumes blancs, et le clarifier avec du caviar pilé au mortier, avec un peu d'eau froide et des blancs d’œufs ; le passer à la serviette dans une casserole d'argent; ajouter les filets de poissons blancs usuels , de préférence de rivière, sans peau et crus, que l'on aura préalablement réservé en les marquant au beurre. Faire cuire à petit feu. Aussitôt le poisson cuit, ajouter une julienne de céleri cuit d'avance et du fenouil haché . Amener à bon goût ( rectifier l’assaisonnement ) et servir dans chaque assiette un morceau de filet de poisson . Présenter séparément à chaque convive des tranches de citron émincés à vif .E. KRANTZ
Le suivi des commandes va se faire par une ligne de télégraphe spécialement dédiée à cela et montée par l'armée. Durant tout le déplacement ,Krantz connu les pires difficultés pour fournir le nécessaire, n'oublions pas qu'il devait concurrencer les dizaines de milliers de soldats en manœuvre qui se nourrissaient sur l'habitant et les mêmes habitants bien trop pauvres pour fournir quoi que se soit aux trains impériaux.
Sept brigades furent formées pour assurer les besoins dans les principaux lieux ou l'empereur s’arrêterait, villes, châteaux ou pour le train impérial.
Je vous donne ci-dessous la composition d'une brigade .
Un kamer-fourrier, trois hofs-fourriers, vingt-quatre officiers de bouche , quatre coureurs , deux arabes ????, quatre-vingt-dix laquais de première catégorie , cent-soixante laquais de deuxième catégorie, vingt-cinq laquais de troisième catégorie, un chef des cuisines , un chef pâtissier français , quatre chefs de cuisine, vingt-quatre cuisiniers première aide, quatorze cuisiniers deuxième aide , quarante cuisiniers engagés en extra pour ce voyage, dix-huit cuisiniers apprentis , deux chefs boulangers , huit ouvriers boulangers , deux chef confiseurs, un chef caviste ( sommelier) ,quatre aides cavistes , un chef de la chancellerie du kamer-fourrier, quatre secrétaires de la même chancellerie, un homme spécial pour la fabrication du Kwas ( cidre de blé ) six lingeries, huit lampistes, quatre argentiers ( entretien de l'argenterie ) quatre tailleurs ( pour les habits du personnel ) cent cinquante garçons de cuisine et soldats, de plus dans certaines regions giboyeuse , quatre chasseurs.
La majorité du personnel était Russe, seul quelques français dont notamment les chefs pâtissiers faisait partie de la brigade, les chefs de cuisine étaient russe car depuis le début du siècle de nombreux français avaient exercés leurs talents dans les cuisines de l'empire et avaient formés de nombreux locaux qui étaient devenus capables de fournir la même qualité de prestation que leurs maitres hexagonaux .
Les brigades de Moscou et celles destinées aux trains étaient plus légères , celles de Moscou devaient servir de réserves en cas de besoin ;
Le personnel destiné au service spécial des chambres de leurs Majestés et leur augustes enfants , était lui composé de cinquante huit personnes.
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STERLET A LA RUSSE , COTER FACE |
Les nourritures servies durant ce périple étaient celles qui l'étaient en temps normal au palais , c'est à dire une cuisine d'inspiration française teintée de produits et recettes de la cuisine slave , comme la soupe d'orge ou kifales bouillie sauce hollandaise .
Foie gras, pâtés , terrines d'ortolans farcis, truffes, fruits frais importés de France, étaient aux menus tous les jours , suivant la température extérieur on commençait généralement par un potage froid si il faisait chaud ou potage chaud si il faisait froid . Krantz fit appel aussi à des maisons spécialisées en poissons frais à Constantinople , pour le sterlet , l'esturgeon, le caviar. De plus un troupeau de 30 bœufs fut chargé sur un train, il était destiné à servir de réserve ambulante et palier les manques d' approvisionnements locaux . Krantz nous révèle que les poissons péchés dans la mer Caspienne étaient déjà pollués par le pétrole .
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STERLET A LA RUSSE, COTER PILE. |
Les Homards et huîtres préférés du Tsar étant ceux d' Ostende, Krantz en amenait par trains spéciaux directement sur les lieux ou se trouvaient les convives, de même pour les produits français ou les poissons de la baltique qui avaient eux aussi leurs trains dédiés.
Comme le fait observer le Kamer-fourier heureusement l'argent, ne constituait pas un obstacle au bon plaisir de l'empereur . Il faut savoir que krantz touchait un salaire annuel de 175.000 francs de l'époque ,soit 50 fois le salaire d'un chef de cuisine en France de l'époque.
La conservation des aliments fût ,bien sur le grand problème durant ce périple, disposant de deux
wagons glacières, qui étaient en fait des wagons normaux doublés de linge et de sciure de bois, le tout encore doublé d'une seconde paroi de zinc , on disposait dans ces wagons les nourritures bien emballées dans des tissus , en couches superposée de glace et sciure .
Le voyage durait de 8 a 11 jours, entre Moscou ou Constantinople pour acheminer par exemple les provisions au bord de la mer noir, cela sans que la fraîcheur des produits n'en souffre , d’après Krantz.
De plus des baquets ovales de 1m25 de longueur et haut de 90 centimètres et large de 50 , servaient de glacières mobiles pour les déplacements, selon le même principe que les wagons, Krantz ne se plaint jamais des problèmes rencontrés et qui furent nombreux , mais l'on comprend en lisant son récit que les problèmes de conservation furent la plaie de cette folle escapade du Tsar.
Tantôt servis dans le train , tantôt servis en forêt, sous tentes ou dans les châteaux appartenant à la famille royal et qui se trouvaient sur le parcours, les repas du midi et du soir faisaient tous l’objet du même cérémonial observé à la cour, très strict sur l'étiquette et inspirés des cours allemandes.
Le nombre de convive allait de 20 personnages à 500, en comptant qu'en plus on servait à l'office ( c'est à dire à l'arrière ) comme l'on disait à l'époque tous les notables locaux, officiers ou personnes de
secondes ordres présents et cela pouvait aller jusqu'à 600 convives en plus.
Servis soit à table garnies de nappes blanches et de toute l'argenterie avec un service à la Russe , ou en buffet froid ou chaud ou à la fourchette comme l'on disait à l'époque, c'est à dire l’ancêtre des barbecues.
La famille impérial commençât son voyage en partant de Peterhoff le 24 Août , pour continuer par Elisavethgrade et rejoindre leur château en Crimée à Livadia sous un temps caniculaire et par la suite le périple eu lieu à travers toutes les régions caucasiennes avoisinantes durant les deux mois qui suivirent.
Le matériel de cuisine comme les fourneaux ou les fours était démontable, et transportable partout , de plus ils disposaient de cuisines et fours sur des roulantes conçues pour cela, de même les pâtissiers avaient eu aussi des fours spéciaux montés sur des voitures hippomobiles . Le Kamer fourrier dût faire de nombreux aller retour sur Varsovie ou Odessa pour assurer le continu des livraisons, et même parfois jusqu'à Moscou,
il passât souvent plus d'une semaine dans son train à voyager à la recherche des approvisionnements.
De nombreuses femmes étaient engagées sur place pour la blanchisserie et le nettoyage, la poussière intense due à la chaleur et au déplacement massif de la cavalerie, durant les manœuvres, s'infiltrait partout et teintait tout d'une couleur poussiéreuse et qui nécessitait un nettoyage intensif et de nombreuses lessives.
Les rapports qu'entretenait la famille impérial et Krantz semble emprunt d'un certain paternaliste, bien que distant
Le 17 Novembre dans la région de Batoum à Borky, le train de l’Empereur déraillât , le wagon restaurant du Tsar étant en acier, et étant resté sur la voie , la famille impérial , qui avait commencé à manger sans sortie indemne, ce ne fût pas le cas des autres wagons qui pour certains versèrent dans un ravin , entraînant de nombreux morts et blessés parmi le personnel à bord. Heureusement Krantz n'était pas à bord, ayant raté le départ suite à un problème de bateau deux jours plus tôt , raté lui aussi.
Le Tsar coordonnât les premiers secours donnés au malheureux broyés dans les wagons de bois, son épouse soignant de ses mains les blessés.
Après avoir envoyé les morts à Saint Petersbourg et les blessés à Karkoff, l'empereur fit donner une messe pour les morts et donnât un repas à sa table à tout le personnel valide qui restait, soit 60 personnes.
Cette catastrophe ou avait aussi disparu bon nombre de provisions écrasés dans le train, ne ralentie que peut la marche du Tsar, en effet le second train qui suivait à une heure prit rapidement le relais et tout rentrât rapidement dans l'ordre.
Huit jours plus tard tout le monde rentra à Saint Petersbourg et force décorations et récompenses fûrent offertes aux rescapés de ces tribulations du Tsar à travers une partie de l'empire.
d'une pneumonie à l'age de 44 ans et après lui plus aucune personne fut nommé Grand Maréchal de la Cour.
Le récit de Krantz parle beaucoup des nombreux banquets, fêtes, bals, galas, feux d'artifices en tout genre donné pour l'empereur pour le célébré tout au long de son passage , certaines réservés à l'élite,d'autres plus populaires , il constate toujours l’enthousiasme des peuples pour leurs souverains, et s'en réjouis .
L'aspect militaire de ces manœuvres n'apparaît que peu dans la motivation de ce voyage, elle semble avoir été que peut suivie par le Tsar, qui à par la revue des troupes, semblait préférer la chasse et les repas champêtres à celle-ci .
Ce texte est un résumé libre du texte paru dans le tome 4 du dictionnaire de cuisine de Joseph Favre paru en1905.
Le nom Russe apparaissant ci et la sont souvent francisé par Krantz et j'ai préféré les laisser ainsi pour respecter l’authenticité .
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