SAINDOUX , BEURRE ET COMPAGNIES .

AFFICHE PUBLICITAIRE POUR LA FIRME W.J WILCOX DE NEW YORK , 18.. ?

On est tellement habitué à disposer de toutes les matières grasses disponibles pour nos préparations à notre époque , et sans laquelle nos cuisines seraient bien tristes, que l'on oublie que cette abondance ne date que de la moitié du XIXè et surtout du début du XXè . Avant cela le beurre , les huiles ou encore la margarine et ces dérivés , n'étaient utilisés que avec parcimonie ou mieux  pas du tout . Les seule matières grasses connue et couramment employé en cuisine était le dérivés de graisse animale , le suif , le saindoux ou toutes graisses d'animaux , avec une préférence pour la graisse de rognon de boeuf , la graisse de volailles ou de gibier .

LE SUIF ET LE SAINDOUX.
La graisse animale sous toutes ces formes était donc depuis les gaulois , la matière grasse
POT A GRAISSE , 19è , MUSÉE DE URSULINES .
nécessaire à la cuisson des aliments , malgré l'introduction de l'huile par les romains .

Le suif , c 'est à dire la graisse de boeuf , mouton , cheval , et autres mammifères ( sauf le cochon ) , mélangé ou non , raffiné par cuisson lente et élimination des matières étrangères à la graisse ( os , peau , nerf , etc ) fut pendant longtemps la seule graisse qui permettait de cuire les aliments autrement que dans un liquide .
Toutes les graisses étaient récupérées , aussi bien le gibier que la volaille et même le poisson , cette façon de faire restera en vigueur bien plus longtemps que l'on peut croire , et je me souviens qu'à mes débuts en cuisine dans les années soixante ( du XXè siècle bien-sur ) l'on trouvait encore sur un coin des fourneaux dans certaines vielles cuisines , une grande marmite qui servait à faire fondre doucement les graisses des différentes viandes parées par les cuisiniers et que l'on utilisait comme matière grasse pour faire colorer les aliments .
1895
Ce suif froid étalé sur une tranche de pain était aussi la base du petit-déjeuner de bon nombres de paysans et cela jusqu'à l'aube du XIXè .
Le saindoux tiré lui uniquement de la graisse de porc avait lui aussi un même usage , mais considéré comme plus noble , si l'on peut dire,  servait aussi dans la fabrication de différentes charcuteries et pâtés (  plus de quarante pâtés différents avaient les faveurs des consommateurs à l'époque )  et aussi pour la fabrication de socles et sculptures de pièces montées pour les fameux buffets et banquets de cette fin de siècle qui en raffolait.
MARCHAND DE BEURRE ,1889 , PARIS , EUGÈNE ATGET , BNF .

LE BEURRE.
FAUX BEURRE A BASE DE LAIT DE COCO ,1912 .
Le beurre , rare et cher , souvent rance en été et aussi un des produits le plus falsifié durant les siècles , mélangé à des produits qui vraiment ne donnait pas envie dans manger  . Les sophistificateurs comme on les appelait à l’époque , n'hésitaient-pas à retravailler le beurre avec de la craie , du talc , du sable ou encore de l'acétate de plomb et ces produits sont les moins dangereux utilisés par ces véritables empoisonneurs , en effet les acides ( dont la chaux pour blanchir le beurre ) les plus dangereux servaient à transformer le beurre avarié en bon beurre ; en campagne les petits malins mélangeaient le beurre à des châtaignes crues en bouillies ou encore de la purée de pommes de terre , de la graisse de veau , etc .
Il faudra attendre la guerre de 14/18 et une réglementation plus sévère pour voire disparaître ces pratiques .
Cela suffit je suppose à vous faire comprendre que l'on se méfiait beaucoup du beurre et seule un beurre en provenance direct de Gournay ou d'Isigny  du pays de production ne suscitait pas le doute .
L’ÉPICIER , 1840 , HONORÉ DE BALZAC .
 La France était de toute façon coupée en deux , en dessous de la Loire , l'huile seule avait cours dans les cuisines , au dessus de la Loire le beurre avait table ouverte , mais dans les deux cas avec une parcimonie dont on ne se doute pas . Tout cela explique que le beurre était peu utilisé par les  classes les moins aisées . car le beurre de bonne qualité n'était pas accessible à leurs bourses .
Je ne dispose pas de statistique national , mais à Paris la consommation de beurre par tête d' habitant était  de moins d'un kilo par an  vers les années 1830 et en augmentation constante , après un trou vers les années 1870. on est passé à 8 kilos en 1880 , un tiers de ces beurres étaient importés (  de Belgique , Angleterre, Allemagne , USA , etc ) à un prix moyen de 4 franc de l’époque le kilo , le salaire moyen de l’époque était de 7 francs par journée de 12 heures voir plus .
A la fin du siècle la pasteurisation et l'emballage de petits paquets de beurre ( emballé au départ dans des morceaux de tissus ) ainsi que le froid industrielle vont changé le commerce du beurre et le faire rentré dans l'aire moderne .
1931 .

LA MARGARINE OU BEURRE ARTIFICIEL .
La margarine ou le fantasme d'un succédané de beurre bon marché est facile à produire , telle est au XIXè le credo des savants bienfaiteurs de l'humanité ????  . Les premiers travaux commencent au début du siècle , un certain Cheveul entre 1813 et 1816 arrive à fabriquer une margarine ou beurre artificiel avec un mélange de graisse de boeuf , de carbonate de potasse , d'eau et d'estomacs de moutons, étonnant mélange, chauffé , filtré et coloré au rocou , à l'époque personne ne semble prendre ce produit au sérieux , ni surtout à en répandre l’utilisation en cuisine .
Les travaux de différents savants fous continuèrent avec entre autre le beurre de boeuf , graisse de boeuf  mélangée à de la farine , le tout raffiné on ne sait comment , et aussi d'autres mélanges de graisse animal avec divers produits alimentaires .
Il faut attendre Napoléon III et son désir de plaire au bon peuple , et un concours officiel lancé par lui en 1869 pour trouver ce Graal de cuisinier qui déboucha sur la trouvaille du Pharmacien Mège-Mouries , un mélange de graisse de boeuf pressé , émulsionné et blanchi retravaillé à l’eau et au lait .
 Au même moment en Angleterre , Autriche , Belgique et aussi au USA , des chercheurs comme Bockairy , Van Lokeren ou encore Gerlings , planchèrent sur la même margarine pour arriver pratiquement au même résultat que le Francais Mège-Mouries .
Ce n'était cependant pas encore le produit miracle annoncé et il fallut attendre la fin du siècle et le remplacement de la graisse de boeuf par de l'huile hydrogénée pour arrivé aux succès et à la margarine que l'on connaît aujourd'hui .
Dès le début de cette margarine dans les années 1870 , qui furent lentes et difficiles , les vrais et faux gastronomes et gens de goûts comme ils s'appelaient , tirèrent à boulets rouges sur la margarine et il faut dire pour leurs défenses que cette margarine en cuisine ne donnait que de mauvais résultats , travaillés à chaud les différents ingrédients donnaient un goût de graisse animal et ce désolidarisaient à la cuisson donnant des résultats peu appétissants .
1890


L'HUILE .
1895 .
L'huile elle n'est vraiment devenue courante en cuisine que vers la fin du XIXè avec l'industrialisation et les chemins de fers , seule l'huile d'olive  ( qui valait l'équivalent de 70 euros le litre vers 1830 ) avait quelques succès en ces temps et encore les chroniqueurs de ses périodes font remarquer que bien souvent cette huile d'olive était à peine de bonne qualité pour servir aux lampes à huile d'éclairage.
La aussi les falsificateurs étaient à l'ouvrage , le plus souvent ils rajoutaient de l'huile d'oiellette ou encore huile de pavots dans l’huile d'olives .
On utilisait donc très peu  d'huile dans la cuisine , aussi bien à froid que à chaud , pour rappel la plupart de sauces froides utilisées aussi bien pour napper que pour accompagner les plats froids étaient appelées chaud-froid et bases de fonds de volailles ou de veaux ou de poissons , travaillées à la gelée et crémées . La mayonnaise elle même était souvent allongée à la gelée neutre ou à la béchamel .
RAFFINAGE D'HUILE DE PALME , ALLEMAGNE FIN XIXè .

Les différentes huiles en usages coûtaient chères et d'une diffusion restreinte , les raffineurs n'étaient bien souvent que de petits artisans et producteurs du produit de base de leurs huiles . Seule l’huile de coton ou huile blanche avait un prix abordable et une certaine diffusion nationale . Cela nous explique que ce n'est que vers le milieu du siècle que l'on commence à utiliser de l’huile pour assaisonner la salade par exemple , on utilisait avant cela que quelques gouttes de vinaigre .
Les huiles les plus couramment utilisées en cuisine à cette époque étaient  les huiles de noisettes , de noix ,  d'oiellette tirée d'une variété de pavots ( non sans danger  ),  sésames ,  de faînes ,  d'amandes douces ,  d'illipé ,  de navette ou encore  de colza et  de lin.
Avec le développement des colonies et du transport on voit arriver l'huile d'arachides ,  de mais ,  de coprah ou de palme  .
LA BARATEUSE , 1866 , JEAN-FRANCOIS MILLET , MUSÉE D'ORSAY




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